En dépit des preuves scientifiques accumulées depuis des décennies, les compléments alimentaires restent sous-utilisés, particulièrement par ceux qui en auraient le plus besoin : enfants et adultes issus de milieux défavorisés, personnes âgées, fumeurs, consommateurs réguliers d'alcool, patients souffrant de maladies chroniques, hospitalisés, suivant des régimes alimentaires restrictifs...

Cette réticence est à l'origine de nombreuses idées reçues qui limitent ou dissuadent d'adopter des compléments alimentaires pouvant pourtant leur procurer de réels bénéfices. Dévoilons ensemble les six malentendus les plus persistants qui obscurcissent la vérité sur les compléments alimentaires.

 

Idée reçue n°1 : "La nutrition, c’est l’affaire des médecins nutritionnistes."

Historiquement, les découvertes majeures en nutrition ont été réalisées par des biochimistes, qui ont identifié et isolé les vitamines et élucidé les mécanismes métaboliques essentiels. Pourtant, le discours sur la nutrition a depuis été capté par des médecins qui n'ont pas toujours l'expertise nécessaire pour traiter des sujets hors de leur champ de compétence initial. 

Par exemple, en janvier 2001, un médecin de l'Agence française de l'alimentation (Afssa) a, dans un rapport, affirmé que la créatine, une substance naturelle présente dans la viande et utilisée par les athlètes pour améliorer leurs performances n'a pas d'effets "scientifiquement prouvés", et qu'elle est potentiellement cancérogène. Ces allégations, aussitôt démenties par les chercheurs, continuent 20 ans après d'alimenter les rumeurs entourant en France la créatine.

 

Idée reçue n°2 : "Les apports conseillés sont établis scientifiquement."

Cette affirmation fait abstraction du fait que les besoins nutritionnels varient considérablement d'un individu à l'autre et que les études utilisées pour établir ces recommandations sont souvent obsolètes ou limitées.

De nombreuses recommandations nutritionnelles reposent sur des données anciennes ou des extrapolations hasardeuses, sans tenir compte des besoins réels des populations diverses. Elles se basent souvent sur des populations jeunes et en bonne santé, éclipsant les besoins individuels de populations spécifiques.

Le cas de la vitamine E

Lorsque des données assez solides existent, comme c’est le cas pour la vitamine E, encore faut-il avant de les entériner, que les besoins ainsi calculés cadrent avec le principe, déjà énonce plus haut, selon lequel l’alimentation seule doit subvenir aux besoins de la population. Un exemple de ce rationalisme scientifique est fourni par la vitamine E.

En 1963, les Américains lancèrent une série d’études pour déterminer les besoins de la population. En tenant compte de tous les paramètres biologiques et épidémiologiques, il fut conclu en 1968 qu’un apport moyen de 20 mg par jour était nécessaire. Mais patatras ! Plusieurs enquêtes alimentaires menées à la fin des années 1960 et au début des années 1970 établirent que les Américains ne consommaient pas plus de 9 mg de vitamine E par jour. Avec un pragmatisme confondant, les autorités sanitaires, plutôt que de reconnaître que les Américains ne couvraient pas leurs besoins réels et qu’ils devaient pour cela faire appel à des compléments, préférèrent en 1974 diviser par 2 les apports nutritionnels conseillés. Cette valeur sortie du chapeau fut présentée comme « un apport arbitraire mais pratique. » En 2000, sous la pression des biochimistes, les apports conseillés (RDA) ont été relevés aux Etats-Unis à hauteur de 15 mg/j.

En France, les besoins (références nutritionnelles pour la population) datant de 1992, soit 12 mg/j, ont été reconduits en 2001, avant d'être abaissés à 10 mg sans réelle justification.

 

Idée reçue n°3 : "Il faut attendre les résultats des essais cliniques."

Cet argument, bien qu'apparemment sensé, ignore la complexité et la spécificité de la recherche en nutrition. Contrairement aux médicaments, les nutriments ne peuvent pas toujours être évalués comme les médicaments dans le cadre d'études cliniques standardisées en raison de leurs interactions complexes dans l'alimentation et dans l'organisme. De plus, l'approche réductionniste qui consiste à isoler un nutriment pour en tester les effets peut passer à côté de l'effet synergique de plusieurs nutriments consommés ensemble.

Les essais cliniques sont très importants, mais le niveau de preuves doit prendre en compte l'ensemble des données scientifiques : études prospectives, études cas-contrôles, essais expérimentaux chez l'animal.

Un essai clinique négatif signifie simplement qu'à une dose donnée, sous une forme donnée, pour une période donnée et dans une population donnée, une substance nutritionnelle n'a pas rempli son objectif.

  

 

Idée reçue n°4 : "Une alimentation variée et équilibrée couvre tous nos besoins."

Contrairement à ce que beaucoup croient, l'alimentation actuelle ne satisfait pas toujours les besoins en nutriments essentiels de nombreux individus. Les études montrent qu'une proportion significative de la population française a un risque élevé de déficit en vitamines et minéraux, notamment en vitamine E, vitamine C, magnésium, et zinc, tandis que 75% des Français manquent de vitamine D en hiver.

Si l'on accepte qu'une alimentation "équilibrée" couvre tous les besoins en micronutriments, pourquoi des suppléments de vitamines et minéraux sont-ils systématiquement proposés à des groupes de la population qui suivent pourtant une alimentation "équilibrée" (nouveaux-nés, femmes enceintes, enfants, seniors) pour pallier les déficits ?

Ces mesures soulèvent des questions sur la capacité réelle de notre alimentation, même "équilibrée" à fournir tous les nutriments nécessaires à une bonne santé. Par exemple, des recherches indiquent que pour couvrir les apports nutritionnels conseillés, une consommation très élevée de certains aliments, comme les abats, est nécessaire, bien au-delà de ce que la majorité des gens consomment quotidiennement.

 

Idée reçue n°5 : "Les compléments alimentaires détournent d'une alimentation équilibrée."

Les nutritionnistes soulignent souvent que les compléments alimentaires ne peuvent remplacer une alimentation optimisée. C'est vrai. Personne ne conteste la supériorité de l’aliment sur le complément nutritionnel et le but des compléments alimentaires n'est pas de se substituer à l'alimentation mais de la compléter, pour pallier des déficits éventuels, à la manière d'une "assurance", comme le dit le Pr Walter Willett de Harvard.

Mais pour certains de ces nutritionnistes, la consommation  de compléments alimentaires inciterait ses utilisateurs à s'éloigner d'une alimentation équilibrée.

Il s'agit là encore d'une idée reçue, puisque les études montrent que les utilisateurs de compléments ont tendance à adopter un mode de vie plus sain et une alimentation plus équilibrée que ceux qui n'en prennent pas. Ces individus consomment plus de nutriments essentiels, pratiquent plus d'exercice, et ont des habitudes alimentaires meilleures, confirmant ainsi que l'utilisation de compléments s'accompagne souvent d'un engagement plus large envers la santé. Ces résultats sont bien la preuve que la prise de compléments alimentaires n'éloigne pas d'une alimentation saine, au contraire.

 

Idée reçue n°6 : "Les compléments alimentaires, pourquoi pas, mais jamais à doses élevées."

C'est souvent vrai, mais ça ne l'est pas toujours. Dans certaines conditions, il peut être nécessaire de prendre des doses supérieures aux besoins nutritionnels moyens, notamment en raison de variations génétiques affectant le métabolisme des nutriments, de carences marquées, d'une élimination accrue, d'une surutilisation, de situations liées à l'état de santé, au sexe, à la corpulence, à l'âge, aux choix alimentaires. C'est le cas par exemple de la vitamine D (surpoids, âge), la vitamine B9 (grossesse), le magnésium (burn out), la vitamine B1 (excès de glucides), la vitamine C (tabagisme), du fer et du zinc (femmes en âge de procréer, végétaliens), du potassium (femmes âgées à risque d'ostéoporose), etc...

Avis important : Avant de débuter une cure de compléments alimentaires, d'autant plus si vous êtes suivi(e) médicalement ou êtes concerné(e) par une maladie, consultez un professionnel de santé connaissant la nutrition. Chaque individu étant unique, les besoins en nutriments peuvent varier considérablement d'une personne à l'autre. Un professionnel de santé sera en mesure d'évaluer vos besoins spécifiques et saura vous conseiller de manière appropriée.

 

En conclusion, les idées reçues sur les compléments alimentaires persistent largement en raison d'un ensemble de facteurs, allant de la méconnaissance de la biochimie nutritionnelle, des préjugés idéologiques aux influences politiques et économiques, en passant par la puissance des lobbies pharmaceutiques...

Il est temps d'accepter ce que dit la science : utilisés judicieusement en complément d'une alimentation équilibrée et d'un mode de vie sain, les compléments alimentaires ont en réalité toute leur place dans une démarche préventive et d'amélioration du bien-être général.

Relu et validé par Thierry Souccar, journaliste scientifique