La cognition et la mémoire sont sensibles au statut nutritionnel à court et à long terme. À court terme, de simples déficits peuvent perturber l’acquisition des connaissances et l’attention. À long terme, c’est l’intégrité même du cerveau et la capacité à créer des connexions entre cellules nerveuses qui peut être affectée. Dans cet article, nous nous focalisons sur quelques nutriments clés de la mémoire.

Mémoire et cognition dépendent de réseaux entre cellules nerveuses et de ce qu’on appelle la plasticité synaptique. Les synapses sont des zones de contact entre neurones. La plasticité synaptique, c’est la capacité du cerveau à former de nouvelles synapses et de nouvelles cellules nerveuses, et des mini-réseaux de neurones connectés à des souvenirs uniques, appelés engrammes.

Cette plasticité permet non seulement de transformer des expériences spécifiques en souvenirs mais aussi de les « rappeler » lorsque c’est nécessaire. Ce « rappel » peut être absent ou partiel si l’activité synaptique est déficiente.

On sait aujourd’hui que cette plasticité est stimulée par l'apprentissage, la nouveauté, et qu’elle est renforcée par l'alimentation saine et l’exercice. L’exercice, la perte de poids, augmentent le flux sanguin cérébral.

Inversement, la plasticité synaptique et la mémoire sont affectées par le surpoids, le manque de sommeil, le stress, la sédentarité, les déficits nutritionnels.

Parmi les régimes alimentaires qui aident à la plasticité cérébrale figurent le régime méditerranéen et le jeûne intermittent. Le régime cétogène, riche en graisses et pauvre en glucides, pourrait de son côté inverser les troubles neurocognitifs des personnes âgées et il est d’ailleurs testé dans la maladie d’Alzheimer.

Plusieurs nutriments sont nécessaires à la plasticité synaptique, la synthèse de nouveaux neurones et la mémorisation.

La choline et la citicoline

 

La choline est une substance alimentaire qui permet de fabriquer l’acétylcholine, un neurotransmetteur qui intervient dans la mémoire. Avec l’âge, l’organisme fabrique moins d’acétylcholine. Cette situation est à l’origine de troubles de la mémoire, manque de concentration, oublis.

Par ailleurs, la choline sert à la synthèse de phosphatidylcholine, une substance indispensable à l’intégrité structurelle des membranes des cellules nerveuses.

Des apports de choline insuffisants sont associés à de faibles performances cognitives. Au contraire, des taux élevés de choline dans le sang, obtenus par supplémentation par exemple, sont associés à une meilleure mémoire verbale, une meilleure mémoire de travail, des temps de réactivité et de réflexion plus courts, et de meilleures fonctions exécutives. (1)

On trouve de la choline dans le jaune d’œuf, le foie, le germe de blé, le soja, le cabillaud, la morue…

Pour augmenter le taux de choline dans l’organisme on peut aussi prendre des suppléments de citicoline (CDP-choline ou cytidine-5′-diphosphate choline), de sels de choline, tels que le chlorure de choline et le bitartrate de choline, ou encore de phosphatidylcholine.

La citicoline est produite naturellement par l'organisme. Les actions neuroprotectrices de la citicoline comprennent l'activation de la biosynthèse des phospholipides qui entrent dans la composition des membranes neuronales, l'augmentation du métabolisme cérébral, mais aussi l’augmentation des taux de noradrénaline et de dopamine dans le système nerveux central. Noradrénaline et dopamine sont deux messagers chimiques impliqués dans la vigilance et la mémorisation. Dans plusieurs études, la supplémentation en citicoline (Cognizin) a montré des effets bénéfiques sur la mémoire dans des populations en bonne santé, comme chez des personnes ayant des déficits cognitifs. (2)

Les acides gras oméga-3 à longues chaînes

 

Il s’agit en particulier du DHA et de l’EPA que l’on trouve dans les poissons gras, ou encore le jaune d’œufs de poules nourries au lin (filière Bleu Blanc Cœur). On peut synthétiser ces oméga-3 à partir de l’acide alpha-linolénique des graines de lin ou de l’huile de colza, mais cette conversion diminue fortement avec l’âge, et elle dépend de la quantité d’oméga-6 de l’alimentation.

Le DHA en particulier a plusieurs rôles dans le cerveau, dont ceux d’augmenter les niveaux d’acétylcholine et de sérotonine. Il est essentiel à la plasticité neuronale.

Une méta-analyse d'études observationnelles a montré une association positive entre l'apport alimentaire ou les taux plasmatiques de DHA et la mémoire chez l'adulte. (3)

Une méta-analyse de six essais contrôlés randomisés d'une durée de 3 à 40 mois qui utilisait 0,14 à 1,8 g d'EPA + DHA par jour a identifié un taux de déclin cognitif plus lent dans le groupe recevant les oméga-3 par rapport au groupe placebo. (4)

Ces résultats suggèrent que les personnes présentant un léger déclin cognitif pourraient avoir intérêt à recevoir des oméga-3 ou augmenter leur consommation par l’alimentation. Selon plusieurs chercheurs, il pourrait être bénéfique d’augmenter ses apports alimentaires et/ou commencer une supplémentation avant qu'un déclin cognitif ne se produise. (5)

En effet, la prise d’oméga-3 chez les personnes âgées en bonne santé a un effet bénéfique sur l'intégrité microstructurale de la substance blanche, le volume de matière grise et les paramètres vasculaires ; cela s’accompagne d'une fonction exécutive améliorée. (6)

Les vitamines

 

La plupart des vitamines du groupe B interviennent dans la santé cérébrale et la plasticité des synapses.

Par exemple, la thiamine ou vitamine B1 est une vitamine est le coenzyme de la synthèse des acides gras, des stéroïdes, des acides nucléiques et des précurseurs de neurotransmetteurs et d'autres composés bioactifs essentiels au fonctionnement du cerveau. La thiamine contribue à la structure et la fonction des membranes des cellules nerveuses. Elle intervient dans la transmission de l’acétylcholine. (7)

L’acide pantothénique (B5) sert à la synthèse de la coenzyme A, qui contribue à la structure et au fonctionnement des cellules cérébrales via son implication dans la synthèse du cholestérol, des acides aminés, des phospholipides et des acides gras. D'une importance particulière, l'acide pantothénique est également impliqué dans la synthèse de plusieurs neurotransmetteurs et hormones stéroïdes. (8)

Les vitamines B9, B12 et B6 interviennent dans la synthèse des neurotransmetteurs nécessaires à la concentration et à la mémorisation. De plus, elles protègent les neurones d’un sous-produit toxique des protéines alimentaires : l’homocystéine. Les carences sévères en vitamines B mènent à des troubles cognitifs importants. (9)

Plusieurs études ont montré que la prise de doses uniques de multivitamines augmente le flux sanguin cérébral, et peut moduler l’activité cérébro-électrique lors d’une tâche mesurant l’attention focalisée. Une étude chez l’enfant a trouvé une amélioration de la mémoire sémantique et de l’attention.

Les minéraux

 

Le magnésium s’oppose aux effets du glutamate, principal transmetteur excitateur dans les réseaux neuronaux de la cognition, et diminue donc l’hyperexcitabilité des cellules nerveuses qui peut conduire à leur inactivité, voire à leur destruction. Expérimentalement, chez l’animal, la supplémentation en magnésium améliore l'apprentissage et la mémoire. (10)

Dans une étude prospective portant sur 9569 Néerlandais en bonne santé au départ, un faible taux sérique de magnésium (inférieur à 0,79 mmol/L) était associé à un risque de démence accru de 32%, 8 ans plus tard. (11)

On trouve du magnésium dans la plupart des végétaux, les noix, le chocolat noir, l’avocat, les légumes secs et dans l’eau « dure » (riche en calcium). 

Pour les mêmes raisons que le magnésium, le zinc est essentiel au bon fonctionnement du cerveau. (12) Les meilleures sources de zinc sont les protéines animales : viandes, poissons, coquillages.

Le fer permet au sang de transporter l’oxygène pour alimenter les cellules. Une simple déficience en fer peut entraîner chez les jeunes femmes des problèmes de mémoire. (13)

Les enfants souffrant d’anémie par déficit en fer sont plus souvent en échec scolaire, avec ralentissement des fonctions motrices et mentales.

Les adolescents dont la ferritine (un marquer des réserves de fer) est inférieure à 12 g/dL ont des troubles de l’attention, des difficultés à traiter rapidement l’information, et à calculer. Ils affichent des scores de QI moins élevés que ceux qui ne manquent pas de fer.

Selon une étude de 2011, le fer aiderait à réguler la différenciation des neurones et leur manière de fonctionner. C'est pour cela qu'un manque de fer est associé à de faibles performances du cerveau. (14)

Parmi les aliments les plus riches en fer : abats, viande rouge, mollusques, lentilles et céréales complètes (la présence de vitamine C est nécessaire pour absorber le fer des végétaux).

  

Références :

(1) Cohen BM, Renshaw PF, Stoll AL, Wurtman RJ, Yurgelun-Todd D, Babb SM. Decreased brain choline uptake in older adults. An in vivo proton magnetic resonance spectroscopy study. JAMA. 1995;274(11):902–7.

(2) Nakazaki E, Mah E, Sanoshy K, Citrolo D, Watanabe F. Citicoline and Memory Function in Healthy Older Adults: A Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled Clinical Trial. J Nutr. 2021 Aug 7;151(8):2153-2160.

(3) Yurko-Mauro K., Alexander D.D., Van Elswyk M.E. Docosahexaenoic acid and adult memory: A systematic review and meta-analysis. PLoS ONE. 2015;10:e0120391.

(4) Burckhardt M., Herke M., Wustmann T., Watzke S., Langer G., Fink A. Omega-3 fatty acids for the treatment of dementia. Cochrane Database Syst. Rev. 2016;4:CD009002.

(5) Coley N., Raman R., Donohue M.C., Aisen P.S., Vellas B., Andrieu S. Defining the optimal target population for trials of polyunsaturated fatty acid supplementation using the erythrocyte omega-3 index: A step towards personalized prevention of cognitive decline? J. Nutr. Health Aging. 2018;22:982–998.

(6) Witte A.V., Kerti L., Hermannstädter H.M., Fiebach J.B., Schreiber S.J., Schuchardt J.P., Hahn A., Flöel A. Long-chain omega-3 fatty acids improve brain function and structure in older adults. Cereb. Cortex. 2014;24:3059–3068.

(7) Bates C.J. Thiamine. In: Zempleni J., Rucker R.B., McCormick D.B., Suttie J.W., editors. Handbook of Vitamins. 4th ed. CRC Press; Boca Raton, FL, USA: 2007.

(8) Rucker R.B., Bauerly K. Pantothenic acid. In: Zempleni J., Suttie J.W., Gregory J.F. III, Stover P.J., editors. Handbook of Vitamins. 5th ed. CRC Press; Boca Raton, FL, USA: 2013.

(9) Kennedy DO. B Vitamins and the Brain: Mechanisms, Dose and Efficacy--A Review. Nutrients. 2016 Jan 27;8(2):68. doi: 10.3390/nu8020068.

(10) Slutsky I, Abumaria N,Wu LJ, et al. Enhancement of learning and memory by elevating brain magnesium. Neuron. 2010;65:165–177.

(11) Kieboom B.C.T., Licher S., Wolters F.J., Ikram M.K., Hoorn E.J., Zietse R., Stricker B.H., Ikram M.A. Serum magnesium is associated with the risk of dementia. Neurology. 2017;89:1716–1722.

(12) Frederickson CJ, Koh JY, Bush AI. The neurobiology of zinc in health and disease. Nat Rev Neurosci. 2005;6:449–462. Murray-Kolb LE, Beard JL. Iron treatment normalizes cognitive functioning in young women.Am J Clin Nutr. 2007 Mar;85(3):778-87. Fretham SJ, Carlson ES, Georgieff MK. The role of iron in learning and memory. Adv Nutr. 2011 Mar;2(2):112-21. 

Cet article de vulgarisation scientifique remplit une simple fonction d’information. Il ne peut servir de base à un diagnostic ou une prescription. Consultez un professionnel de santé avant de modifier votre alimentation ou prendre des compléments alimentaires.