On a longtemps cru que les utilisateurs de multivitamines prenaient des compléments pour compenser une alimentation déséquilibrée. Mais toutes les enquêtes montrent qu’ils s’alimentent généralement mieux que la moyenne. Pourquoi donc des personnes qui se nourrissent plutôt bien éprouveraient-ils le besoin d’avaler en plus un complément de vitamines et minéraux ?

Ce groupe de la population s’intéresse à la nutrition et a souvent de bonnes connaissances dans ce domaine. Or la recherche montre que les risques de prendre des compléments de vitamines et minéraux sont faibles et que les bénéfices sont réels pour la plupart des gens.

Prendre quotidiennement une multivitamine est un moyen rentable de se prémunir contre les déficits cachés en micronutriments qui peuvent saper l’immunité, la santé et la vitalité à long terme.

 

Qu’est-ce qu’une multivitamine ?

Introduites au 20ème siècle, les multivitamines sont les compléments alimentaires les plus populaires au monde. Selon une enquête de 2022 pour Synadiet, 59% des Français ont déclaré consommé des compléments alimentaires dans les 24 derniers mois ; les vitamines et minéraux représentent 64% de la consommation. Aux Etats-Unis, plus de 50 % des Américains déclarent consommer au moins occasionnellement des vitamines et minéraux, selon une étude.

Bien qu'il n'existe pas de définition officielle de ce qui constitue une multivitamine, les chercheurs les définissent généralement comme apportant 100 % de la valeur quotidienne (VQ) d'au moins deux tiers des vitamines et des minéraux reconnus comme indispensables.

Les listes d’ingrédients des multivitamines varient d’une marque à l’autre, mais peuvent comprendre :

• Vitamines liposolubles : vitamines A (rétinol et/ou bêta-carotène), D, E et K

• Vitamines hydrosolubles : thiamine (B1), riboflavine (B2), niacine (B3), acide pantothénique (B5), vitamine B6, biotine (B8), folate (B9), vitamine B12, vitamine C

• Minéraux : magnésium, calcium, potassium, iode, sélénium, zinc

Y sont parfois associés des extraits de plantes : polyphénols, alcaloïdes, terpènes.

 

Pourquoi il faut éviter les déficits

Même si les maladies liées aux carences nutritionnelles comme le rachitisme et le scorbut sont désormais rares dans les pays développés, certains micronutriments ne sont pas toujours apportés à des niveaux adéquats. Les enquêtes alimentaires conduites en France depuis 40 ans montrent que des nutriments importants comme la vitamine D, la vitamine K, la vitamine E, le magnésium, le zinc, la vitamine B6 et même la vitamine C peuvent être apportés en quantité insuffisante dans l’alimentation.

Ces apports insuffisants peuvent altérer un large éventail de fonctions biologiques.

Par exemple, un apport trop faible en folates (B9) au début de la grossesse augmente le risque de malformations chez les nouveau-nés. Inversement, les suppléments de folates ou de multivitamines contenant des folates ont permis de réduire ces anomalies dans de nombreuses études contrôlées.

Mais savez-vous que les déficits en micronutriments peuvent également augmenter le risque de maladies chroniques, telles que le cancer, les maladies cardiaques, le diabète de type 2, la dégénérescence maculaire liée à l'âge et le dysfonctionnement cognitif ? Ces déficits peuvent affecter l’immunité, augmenter l’inflammation et rendre plus vulnérables aux infections ; c’est notamment le cas de la vitamine D, du magnésium, du zinc, du cuivre (souvent du fait d’un excès de zinc).

Chaque nutriment a généralement plusieurs fonctions dans l’organisme : certaines sont indispensables à court terme, d’autres à moyen et long terme. Le Pr Bruce Ames, de l’université de Californie à San Francisco, a le premier montré que lorsque les apports en micronutriments sont inférieurs aux niveaux recommandés, le corps fait passer ses besoins immédiats avant ses besoins à moyen et long terme, qu’il faudrait pourtant satisfaire. Ce mécanisme, qu’il appelle « triage », pourrait entraîner des dommages irréversibles.

Par exemple, la vitamine K est indispensable à la coagulation (besoin immédiat), mais joue aussi un rôle dans la santé osseuse et la prévention de la calcification des vaisseaux sanguins (besoins à long terme). Si vous manquez de vitamine K, le peu que vous consommez est employé aux fonctions de coagulation, et il n’en reste plus pour ses autres rôles. Cela pourrait entraîner une fragilité osseuse plus tard.

 

Les bénéfices des compléments de vitamines et minéraux

On dispose de nombreuses études d’observation attestant de l’intérêt de prendre des multivitamines, mais elles ne permettent pas toujours d’en déduire une relation de cause à effet. Il faut pour cela se tourner vers les essais cliniques contre placebo, mais ils sont peu nombreux.

La Physician’s Health Study II a testé une multivitamine sur la prévention de maladies dans un grand essai clinique contrôlé conduit auprès de près de 14 641 médecins de sexe masculin de plus de 50 ans. L'étude, qui a duré environ 11 ans, a révélé que l'utilisation de multivitamines réduit le risque de cancer de 8 % et le risque de cataractes de 9 %, mais n’a d’effets ni sur les maladies cardiovasculaires, le déclin cognitif ou la dégénérescence maculaire liée à l’âge. Le complément testé ne contenait pas de fer.

L'étude française SU.VI.MAX était un essai de prévention primaire randomisé, en double aveugle, contrôlé par placebo. Au total, 13 017 adultes français âgés de 35 à 60 ans ont pris chaque jour un complément de vitamines et minéraux à visée antioxydante pendant environ 7,5 ans. L’incidence de cancer a baissé de 31 % chez les hommes qui prenaient le supplément, mais pas chez les femmes. La mortalité toutes causes a elle aussi baissé de 37 % chez les hommes supplémentés. Il n’y a pas eu d’effet sur le risque d’infarctus, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes.

L’étude COSMOS-Mind a voulu savoir si la prise quotidienne pendant 3 ans d'un complément multivitaminé améliore la cognition chez 2262 femmes et hommes âgés en moyenne de 73 ans. Résultats : par rapport au placebo, la prise d’un supplément quotidien de vitamines et minéraux a entraîné un bénéfice statistiquement significatif sur la cognition globale, la mémoire et la fonction exécutive.

Ces études suggèrent que les multivitamines peuvent réduire chez certains le risque de cancers et contribuer au bon fonctionnement cérébral, mais qu’elles ont peu ou pas d’effets sur le risque cardio- ou cérébrovasculaire.

 

Y a-t-il des risques à prendre des multivitamines ?

L’un des principaux arguments contre l’utilisation régulière de multivitamines est qu’elles peuvent conduire à un apport excessif de certains nutriments. Une étude récente montre qu'une utilisation constante de multivitamines peut entraîner des apports légèrement excessifs en calcium, en acide folique, en sélénium et en zinc chez une petite partie des adultes ; cependant, les taux sanguins de ces nutriments sont restés dans des plages cliniquement acceptables.

Cette étude montre qu’il faut bien lire les étiquettes et éviter les compléments surdosés. Si l’on craint d’être en excès, on peut réduire les doses quotidiennes, prendre ses compléments un jour sur deux, ou faire des pauses. Il peut être aussi intéressant de consulter un diététicien-nutritionniste.

Il est important de connaître les ingrédients et les dosages des autres compléments alimentaires que vous pourriez prendre. On peut atteindre des apports importants en zinc, parce qu’il y a du zinc dans de nombreux suppléments à visées très différentes, et bien sûr il y en a dans l’alimentation (surtout protéines animales). Au-delà de 50 mg de zinc par jour, et plus sûrement au-delà de 100 mg, on risque des déficits en cuivre, un nutriment important pour l’immunité.

 

Qui pourrait bénéficier d’une multivitamine ?

L'Institut Linus Pauling, un institut américain de recherche en nutrition moléculaire de l'université de l'Oregon, a établi la liste des personnes susceptibles de présenter un risque élevé de carences en micronutriments et qui sont donc les plus susceptibles de bénéficier de la prise d'une multivitamine. Ce sont :

• Les femmes en âge de procréer, enceintes ou allaitantes ;

• Les personnes en surpoids et obèses ;

• Les enfants et adolescents ;

• Les personnes âgées (baisses de l’appétit et de l’absorption) ;

• Les personnes ayant des problèmes d'absorption des nutriments : gros consommateurs d'alcool, personnes ayant subi une chirurgie bariatrique et celles prenant certains médicaments ;

• Les personnes suivant un régime hypocalorique ou déséquilibré, pas une alimentation saine, celles confrontées à l'insécurité alimentaire et, potentiellement, les végétaliens ou végétariens.

 

  

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Comment choisir la bonne multivitamine

Lorsqu’il s’agit de multivitamines, il existe une gamme vertigineuse d’options, des comprimés aux gélules aux poudres en passant par les liquides et les gummies.

Les gummies sont une source de sucres et devraient être évités. Entre les comprimés, gélules, poudres et liquides, choisissez la forme galénique qui convient le plus à votre mode de vie, en prenant soin d’éviter les additifs indésirables comme les édulcorants artificiels, les colorants, les émulsifiants. En revanche, la présence de stéarate de magnésium ne pose aucun problème.

Une bonne multivitamine ne devrait contenir ni fer, ni cuivre, ni manganèse.

• Le fer relève d’une prescription particulière.

• Cuivre et manganèse ne manquent pas dans l’alimentation et sont très lentement éliminés, d’où leur inutilité sous la forme de complément quotdiien, et leur risque potentiel d’accumulation.

Les multivitamines ne sont ni une pilule magique ni un substitut à un mode de vie sain. Leur objectif est de combler des carences nutritionnelles dont vous ignorez peut-être l’existence.

En cas de doute ou de questionnement concernant votre santé, nous vous recommandons de consulter un professionnel de santé. 

 

Références

Ames B. Low micronutrient intake may accelerate the degenerative diseases of aging through allocation of scarce micronutrients by triage. Proceedings of the National Academy of Sciences. 2006;103(47):17589-17594.

Cascino T, Hummel S. Nutrient Deficiencies in Heart Failure: A Micro Problem With Macro Effects?. Journal of the American Heart Association. 2018;17(7).

Via M. The malnutrition of obesity: micronutrient deficiencies that promote diabetes. ISRN Endocrinol. 2012;103472.

Hercberg S, Galan P, Preziosi P, Bertrais S, Mennen L, Malvy D, Roussel AM, Favier A, Briançon S. The SU.VI.MAX Study: a randomized, placebo-controlled trial of the health effects of antioxidant vitamins and minerals. Arch Intern Med. 2004 Nov 22;164(21):2335-42.

Grodstein F, Kang JH, Glynn RJ, Cook NR, Gaziano JM. A randomized trial of beta carotene supplementation and cognitive function in men: the Physicians' Health Study II. Arch Intern Med. 2007;167(20):2184-90.

Baker LD, Manson JE, Rapp SR, Sesso HD, Gaussoin SA, Shumaker SA, Espeland MA. Effects of cocoa extract and a multivitamin on cognitive function: A randomized clinical trial. Alzheimers Dement. 2022 Sep 14.